samedi 28 juin 2014

En connaître un rayon


Claude Duneton, La puce à l'oreille, Anthologie des expressions populaires avec leur origine, Stock, 1978 :
Il y a rayon et rayon ! Je ne saurais expliquer la chose mieux que ne l'a fait Georges Gougenheim (Les Mots français dans l'histoire et dans la vie, Picard, 1966-1975) : "Les gâteaux de cire confectionnés par les abeilles et dont les alvéoles contiennent le miel s'appellent des rayons1. Ce mot n'a rien de commun avec les rayons d'une roue (d'où, par comparaison, les rayons du soleil). Rayon (de roue) est un dérivé de l'ancien français rai, qui vient du latin radius, tandis que rayon (de cire) est dérivé de l'ancien français rée, d'origine germanique." (En effet : "De novel miel en fresches rées", dans le Roman de Renart.)
"Par analogie avec la disposition des rayons dans une ruche, on a appelé rayons les planches disposées dans un placard, une armoire, une bibliothèque, le long ds murs d'une chambre, etc., également les planches qui, dans une boutique, portaient les diverses sortes de marchandises que vendait le commerçant. Quand le commerce a pris plus d'ampleur, et notamment quand se sont créés les grands magasins, chaque catégorie de marchandises ne tenait plus sur une planche, il lui fallait un espace beaucoup plus vaste, c'est pourquoi les divisions spécialisées des magasins portent le nom de rayons : rayon des jouets, rayon de la parfumerie, etc."
Il s'est par conséquent créé aussi des vendeurs spécialisés, et même des "chefs de rayon". Ce sont eux d'abord, qui, au sens propre, connaissent leur rayon : sont capables de se retrouver et de guider le client dans la diversité, la profusion des marchandises dont ils s'occupent. Mais "connaître son rayon", par le sérieux et la conscience professionnelle que cela exige, entrait en résonance avec une expression plus ancienne : en mettre un rayon, laquelle a une origine toute différente.
"En mettre un rayon" prend sa source dans le rayon - rai - au sens de sillon d'un labour. C'est produire un effort louable et soutenu, se dépenser comme celui qui tient la charrue, ou plutôt par l'intermédiaire d'une métaphore supplémentaire, comme le marcheur infatigable qui avale les kilomètres de bon cœur, à grandes enjambées, ce que G. Esnault note pour 1829 sous la forme labourer la grand-route : voyager à pied. L'image du routier ingambe s'est transportée plus tard par plaisanterie sur le coureur cycliste qui, naturellement, en met lui aussi un rayon !
Toujours est-il qu'il s'est produit un croisement entre les deux locutions, et que "il connaît son rayon" s'est doublé de il en connaît un rayon, ou même un "sacré rayon"! Il est curieux de noter que cette expression, venue du lointain des abeilles, a vu le jour par le biais des grands magasins, lesquels sont devenus, par un juste retour des choses, de véritables ruches.
1. Remarque : N'en déplaise à personne, ces rayons de miel s'appellent aussi des brèches, ou bresches, vieux mot issu du gaulois brica et que l'on trouve dans l'ancienne langue : "Bresche de miel, cueilli de diverses flors" (XIIIe siècle). Il vit aussi dans l'occitan bresca, au même sens, avec le verbe brescar, "cueillir le miel des ruches". "Bresche" est un terme qu'emploient encore aujourd'hui tous les apiculteurs, mais il n'est bizarrement relevé par aucun dictionnaire moderne ! C'est pourtant "du miel en bresche" qui a été altéré en du miel en branche. (Cette curieuse formule a peut-être à son tour aidé la formation de la non moins étrange, politesse à part, merde en bâton, en appui sur l'euphémisme courant "emmielé" pour "emmerdé" et par croisement probable avec le très vieux jeu de "société" du "bâton merdeux" donné à saisir à un joueur aux yeux bandés.)

lundi 23 juin 2014

Le Tour cyclotouriste dans les gorges de l'Allier


Le Tour cyclotouriste international faisait étape aujourd'hui au Puy. Je suis allé à leur rencontre à Pont-d'Alleyras, l'occasion de prendre quelques photos sur cette jolie route qui mène à St-Privat-d'Allier.

dimanche 22 juin 2014

L'Ardéchoise : formidable !


Après en avoir entendu tant de bien, j'ai décidé de découvrir cet incontournable des cyclos. Je n'ai pas été déçu ! C'est une véritable fête : les villageois déguisés, de la musique, des ravitaillements plus que copieux et une bonne humeur générale... et puis le plaisir de rouler sur de très beaux parcours ! (la Volcanique pour ma part)

jeudi 19 juin 2014

Bientôt l'Ardéchoise...

Une petite boucle au départ de St Bonnet le Froid pour aller chercher mon dossard à St Félicien.

dimanche 8 juin 2014

Les 7 commandements de Vélocio


1. Haltes rares et courtes, afin de ne pas laisser tomber la pression.

2. Repas légers et fréquents : manger avant d'avoir faim, boire avant d'avoir soif

3. Ne jamais aller jusqu'à la fatigue anormale qui se traduit par le manque d'appétit et de sommeil.

4. Se couvrir avant d'avoir froid, se découvrir avant d'avoir chaud et ne pas craindre d'exposer l'épiderme au soleil, à l'air, à l'eau.

5. Rayer de l'alimentation, au moins en cours de route, le vin, la viande et le tabac.

6. Ne jamais forcer, rester en dedans de ses moyens, surtout pendant les premières heures où l'on est tenté de se dépenser trop parce qu'on se sent plein de forces.

7. Ne jamais pédaler par amour-propre.


Paul de Vivie dit "Vélocio", le père du cyclotourisme.

dimanche 1 juin 2014

Petite Philosophie du vélo

Conatus / énergie / effort

Conatus fait partie des mots qui sont comme un premier col avant qu'on l'ait gravi. S'il est préférable de ne pas le prendre à la légère, il ne s'agit pas non plus de se laisser impressionner. On dira simplement qu'il est la puissance de vivre, voire d'exister. En latin, il renvoie à l'effort, la poussée, la tendance, la tension. Le latin ne dit pas les pédales, Spinoza non plus, mais il définit le conatus comme l'effort d'un être pour persévérer dans son être.
Le verbe persévérer un mot-clef. La persévérance est l'action de persister et le résultat de cette action, comme on loue la persévérance des arbres. Elle est aussi une qualité qui nous définit, qui nous a dotés d'une certaine ténacité, qui fait de nous des opiniâtres. Elle ne requiert pas nécessairement de la patience (je connais des opiniâtres impatients), mais un esprit de suite qui permet d'aller contre vents et marées, de tenir bon, avec sans doute quelque chose de sévère, mais régulier et résolu.
Ce conatus est une espèce d'énergie. Mais, depuis Aristote, on opère la distinction entre énergie en puissance (avant de partir) et énergie en acte ( une fois parti), entre energeia et dunamis, cette double force qui a conduit Alexandre le Grand, le meilleur élève d'Aristote, jusqu'à l'Indus, et qui nous tient en éveil pour chacune de nos brèves anabases.
Par ailleurs, chacun sait que l'énergie cinétique se donne sous la forme mathématique E = mc², ce qui se perçoit plus ou moins bien à bicyclette mais ne nous fait pas avancer plus vite. Plus concrètement, nul ne peut se dispenser de prodiguer des efforts, de pousser sur les pédales, d'exercer une force qui tient à la fois de ma volonté et de mon instinct, de prendre une attitude qui me révèle à moi-même, et un jour, pourquoi pas, aboutir à ce qui , à force, se fait sans effort.
Le conatus n'est-il pas encore le mobile initial, le motif, ce qui nous met en mouvement, notre petit moteur personnel depuis la nuit des temps, ce que les philosophes nommaient jadis la cause première et où il plaçaient Dieu. Mais il faut l'alimenter. Pas de sucre, pas d'essence, pas de moteur. Je ne risque pas d'oublier ma première ascension du Grand-Saint-Bernard, mon premier vélo noir parce que l'on venait de me voler mon vélo rose framboise, un vélo noir venu de chez Spinoza, une ascension lamentable, une heure entière pour les six derniers kilomètres, à quémander des morceaux de sucre auprès des touristes qui pique-niquaient sur des prairies émaillées de pâquerettes. Quant au mouvement, tout un chacun saisit qu'il est le principe même de notre devenir.
Bernard Chambaz, Petite Philosophie du vélo, Flammarion 2014